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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/284

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« Comme quoi, dit-il, exhalant la pure joie de son triomphe, tu vois reluire à l’horizon prochain tout l’éclat de notre avenir ! »

Échalot, dont le cœur était plein, sans parler de son estomac, se précipita sur lui et le serra dans ses bras en murmurant :

« Le petit aura donc un sort ! »

Mais cette phrase se termina par un cri douloureux. Il s’arracha des bras de Similor pour tâter ses deux aisselles et son dos ; places ordinaires de Saladin. Saladin n’y était pas ; par un instinct touchant et comique il fouilla dans ses poches : point de Saladin.

La mémoire lui revenait. Il poussa un bêlement plaintif et s’élança comme un trait vers La Galiote.

« Parbleu ! disait ce stoïque Similor, pas de danger qu’on le vole ! »

Nous avons dû exprimer déjà ce regret. Similor, orné de tant de qualités, n’était pas un bon père. Il pressa le pas, parce qu’une clameur sourde arriva jusqu’à lui. Un homme fuyait, traversant la chaussée, et bientôt une voiture, arrêtée de l’autre côté du boulevard, s’éloigna au galop.

« On a tué la femme ! râlait cependant Échalot agenouillé près du banc. On a tué deux femmes ! »

Il y avait, en effet, deux femmes couchées en tas au pied du banc dans une mare sanglante. Le réverbère voisin éclairait la tête de la comtesse Corona, appuyée contre le tas de poussière où dormait Saladin, et le visage d’albâtre d’Edmée Leber, encadré dans les masses mêlées de ses grands cheveux blonds.