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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/371

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Ce fut, en effet, rapide plus que l’éclair, et le banquier n’hésita pas la centième partie d’une seconde.

Et nous tardons cependant quand il ne faudrait qu’un mot, le plus vif de tous, pour exprimer une action qui fut absolument instantanée.

Nous tardons, parce que notre barque de conteur frôle ici un dangereux écueil. Un couteau dans la main de M. Schwartz, c’est déjà un excès, quoique le couteau fût une de ces armes curieuses jetées pêle-mêle en quantité sur les étagères et que ses doigts crispés se fussent noués autour du manche en passant, d’instinct et comme on ramasse une pierre pour écraser une couleuvre.

Ce n’est pas cela qui nous arrête, parlant trop, au bord du fossé qu’il faut franchir. Le couteau ne servit à rien.

Il y a des accidents d’un comique offensant que le narrateur évite. Les conditions d’être de ce procès-verbal nous amènent en face d’une action burlesque, mais terrible, qui effraye tout uniment notre tact de romancier vétéran. On pouvait passer, il est vrai, à droite ou à gauche, mais il nous plaît d’aller droit notre chemin, à tout risque.

Le baron Schwartz voulait tuer, ceci est certain. Le feu rouge de ses yeux le disait, la grimace de sa bouche le criait ; le meurtre était dans la livide pâleur de ses lèvres et jusque dans les caresses de ses doigts, voluptueusement cordés autour du poignard.

Il était ivre, il était tigre ; et songez qu’il avait entrevu déjà l’idée du suicide…

Mais étant même admises, l’ivresse de sang et la férocité montant au cerveau comme un transport, un banquier d’habitudes paisibles ne frappe pas comme un expert assassin. Il peut y avoir, jusque dans le