Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/58

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— Je regarde votre père comme un digne magistrat, et j’admets que le vôtre fit son devoir, monsieur Schwartz.

— Je ne vous laisserais pas dire le contraire, » interrompit Maurice.

Le Normand s’inclina avec gravité.

« Ce qui n’empêche pas, reprit-il en élevant la voix comme malgré lui, que cet André Maynotte était un innocent et que vous allez avoir en lui un premier rôle haut comme la colonne Vendôme. Écoutez-moi bien. Le drame n’attend pas la représentation : il se joue ; nous le jouons, et je suis ici surtout pour que vous sachiez en temps et lieu ce qu’il faut savoir pour ne point manquer vos entrées. Y êtes-vous ?

— Nous y sommes ! » répondirent les deux jeunes gens pareillement attentifs.

« Un fait qui desservit beaucoup André Maynotte et sa femme, lors du procès, commença M. Bruneau, ce fut leur qualité d’étrangers ; car on regarde presque partout, en France, les Corses comme des étrangers. Voici pourquoi la belle Julie et son mari, natifs de l’île de Corse tous les deux, avaient quitté leur patrie :

Là-bas, de l’autre côté de Sartène, c’est un beau pays à brigands : j’entends comme décor, car, en réalité, les plus parfaits bandits du monde y trouveraient peu d’occasions d’exercer leur industrie. Les voyageurs y sont rares, et ce que nous appelons les « maisons bourgeoises » plus rares encore. Il y a pourtant un conte de nourrice qui place aux environs du vieux château des comtes Bozzo la mystérieuse capitale du brigandage européen.

Du temps du premier Paoli, un comte Bozzo captura sur ses terres et fit pendre le Grec Nicolas Patropoli, dont les exploits sanglants avaient épouvanté les Ro-