Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/72

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sur le drap un grand crucifix noir… Giovanna est bien belle. Je serai belle aussi, quand j’aurai l’âge. Je lui ai tout dit ; elle est devenue pâle comme la cire des cierges. Elle a appelé le bon Dieu, la sainte Vierge, et puis toi. J’ai dit : je le connais et je sais bien où il est tous les soirs. Alors, elle m’a envoyée et ceci est de sa part. »

Fanchette mit dans la main d’André un reliquaire, un écrin et une bourse.

« Elle n’a que cela ! » poursuivit-elle avant que le jeune armurier pût exprimer son étonnement par des paroles.

Je ne saurais vous répéter les mots enfantins, naïfs, charmants, à l’aide desquels, sans le dire et sans le concevoir peut-être, Fanchette fit comprendre à André que ceci n’était pas un salaire, mais la dot, la chère et pauvre dot confiée au fiancé par la fiancée. André croyait faire le plus délicieux de tous les rêves.

Fanchette acheva :

« Il faut venir avant l’heure et bien te souvenir de tout. Adieu. Je vas être grondée. »

Elle s’élança, légère comme une biche, et se perdit dans l’ombre. André demeura longtemps immobile à la même place. L’idée que tout cela était un songe lui revenait à chaque instant, mais les objets envoyés par Giovanna parlaient. Il se rendit à la ville pour prendre ses armes et tout ce qu’il possédait en argent. Il s’agissait, en effet, de fuir au loin. La tribu tout entière allait se mettre à sa poursuite. En regagnant le château, il reconnut l’endroit où les chevaux commandés par Toulonnais attendaient. On festoyait et l’on chantait dans la maison du Père, qui avait ramené récemment un hôte de Hongrie.

André enfonça son chapeau sur ses yeux et s’enve-