Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/75

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André était ambitieux par amour. Il acheta le brassard. Le ver était dans le fruit. André et Julie avaient le lacet autour du cou.

« Toulonnais-l’Amitié avait dit au maître : Ces deux-là ont notre secret.

« Il trompait le maître, car André savait seulement ce qui était la rumeur publique à Sartène, et Julie, élevée au couvent, ignorait tout. Mais André devait tout apprendre bientôt à une terrible école… »

M. Bruneau s’interrompit tout à coup et resta rêveur.

« Après ?… » demandèrent les deux jeunes gens d’une seule voix.

— Le reste est là dedans, répliqua M. Bruneau en posant sa main énergique sur la brochure contenant le procès de Caen. Si vous n’avez pas lu cet écrit avec attention, relisez-le : c’est l’idée mère : l’homme qui jette un innocent en pâture à la loi, le scélérat virtuose qui joue du Code comme Bériot démanche sur son violon…

— Mais la censure ? » objecta Étienne du haut de sa bonne foi.

Maurice dit d’un ton péremptoire :

« Monsieur Bruneau, vous n’êtes pas venu chez nous pour affaire de mélodrame ! »

Son œil perçant et fixe s’attachait sur le visage du Normand. Les paupières de celui-ci battirent et se baissèrent.

« Je suis venu pour ceci et pour cela, murmura-t-il, c’est vrai ; le drame qui se joue dans cette maison, au château, à l’hôtel, dans la rue, va plus vite que la plume, et il sera dénoué depuis longtemps quand vous le présenterez au théâtre.

— Michel est menacé ? demanda Maurice vivement.