Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/77

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vos haines, par vos amours. Que ce soit ou non votre volonté, il vous faudra jouer sous peu une terrible partie. Il y a un gouffre qui vous attire…

— Quel diable d’homme est-ce là ? murmura Étienne. S’agit-il de la pièce ?

— Non, répondit sèchement Maurice.

— Si fait, reprit M. Bruneau, qui eut aux lèvres une nuance d’ironie. Nous faisons tout à la fois : nous vivons le drame. »

Il se leva pour ajouter :

« Ma montre est avec la Bourse : il faut que je vous quitte pour achever une besogne qui vous regarde, monsieur Maurice.

— Quelle besogne ?

— La rupture du mariage de M. Lecoq. »

Maurice bondit sur ses pieds.

« Vous pouvez quelque chose à cela ? s’écria-t-il.

— J’ai le bras long… très long, » répliqua le Normand en souriant.

Il y avait des tempêtes dans l’imagination d’Étienne.

« Quelle scène filée ! » pensait-il.

M. Bruneau fit un pas vers la parte, mais il s’arrêta à la vue du tableau où étaient tracés les noms des personnages du drame.

« Ah ! fit-il, on a effacé quelque chose ! »

Puis, se retournant vers les deux jeunes gens :

« Je suis seul contre une armée, dit-il, et la loi n’est pas avec moi. Ne m’interrompez plus. Dans un cœur brisé, l’amour qui survit à toutes les autres affections est une puissance, et la haine qui a grandi dans le martyre trempe l’âme. Je suis fort, quoique je sois seul. Voulez-vous m’aider à sauver Michel !

— Si nous savions… commença Étienne.

— Nous le voulons ! interrompit Maurice.