Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/8

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bent, dit-on, du sommet de l’arbre ; ces fruits qui vont mûrissant aux cimes de la forêt parisienne font parfois les délices du monde entier.

C’était une mansarde, la chambre contiguë à celle de notre héros Michel. Il y avait une table, deux petits lits de bois, six chaises, une commode ventrue qui gardait par place quelques vestiges de son placage en bois de rose, deux armoires d’attache, et une coloquinte, au lieu de pendule, au centre de la cheminée. Quelques hardes pendaient à des clous. Ce n’étaient pas des costumes somptueux.

La table supportait une écritoire, des pipes et deux verres auprès d’une carafe d’eau pure. Une seule bougie éclairait sobrement cet austère festin de l’intelligence. Nulle dorure aux lambris, point de précieuses peintures au plafond, aucun tapis de Turquie sur le carreau froid, absence complète de rideaux, drapant leurs étoffes splendides autour des lits et devant les fenêtres.

Dans ce décor simple et qu’un théâtre pourrait établir sans se livrer à des dépenses ruineuses, figurez-vous deux jeunes gens, Parisiens tous deux assurément, bien que tous deux soient nés sur les bords de l’Orne : il n’y a pas de Parisiens de Paris : deux poètes, deux élus de l’avenir. Le premier, vêtu avec une mâle coquetterie, croise sur son caleçon les plis nombreux d’une robe de chambre en cachemire imprimé qui n’a même plus souvenir d’avoir été présentable ; le second a passé une chemise de couleur par-dessus son pantalon, laquelle chemise est nouée aux reins par une écharpe à franges d’argent, relique du bal masqué et formant cordelière.

Premier jeune homme, vingt ans, cheveux blonds, soyeux et fins, traits délicats un peu efféminés, mais du plus heureux modelé, jolie pâleur, grands yeux bleus, tapageurs et rêveurs à la fois. Pipe d’écume.