Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/99

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crié, Similor proposa de l’étouffer. Ce n’était pas mauvais naturel chez ce brave garçon, mais le malheur aigrit. Du reste, Échalot ne voulut pas.

Ils parvinrent aux combles de la maison, où quelques planches de bateau fermaient leur petit coin de grenier. Sur ces planches, un morceau de carton, cloué de travers, parodiait l’opulente plaque du premier étage et murmurait : Agence Échalot, comme l’autre criait : Agence Lecoq.

Misère ! étonnante misère ! et aussi miracles de l’aveugle espoir ! Échalot espérait faire des affaires. Quelles affaires, bonté du ciel ! Entre quels intérêts le pauvre diable pouvait-il servir de trait d’union ! Ne soyez pas incrédules cependant ; Paris possède des banquiers en haillons, et chaque rouerie en usage dans les salons de la haute finance se répercute au burlesque dans le ruisseau, au burlesque ou au sanglant.

Le dénûment, croyez-le, a ses études, ses cabinets, ses comptoirs, comme il a ses lieux d’orgie, ses tripots et ses salles de bal. À cent pieds au-dessous du niveau du possible, on spécule et on calcule. Le courtier de chimères ne se rencontre pas seulement aux environs de la Bourse, et cette orgueilleuse sirène que vous nommez l’industrie ne finit même pas en poisson : ses pieds hideux sont des écheveaux de polypes qui grouillent on ne sait où.

Que si cependant vous exigiez un bilan exact des ressources de l’agence Échalot, il faudrait bien vous répondre que l’essence même de cette hardie spéculation est le néant. Échalot comptait sur la chance, et ne demandait qu’à gagner un gros lot sans prendre de billets. Presque tous les malheureux qui ont bu ce poison spécial, l’abrutissement distillé par l’antique mélodrame, jouent ainsi quelque lamentable rôle. Ils vivent