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Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/129

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LES NUITS DE PARIS.

Les Parises regardaient les feux et personne parmi eux n’ignorait le muet langage que parlaient ces signaux.

C’était la bataille.

Alarix prit le bras de Thual.

— César me croyait dans la forêt, dit-il ; — j’étais sur son chemin… Il a passé si près de moi, là-bas, dans l’ombre, que j’ai senti la fumée chaude des naseaux de son cheval… Je l’ai entendu qui parlait… Ce signal arrive trop tard… la nuit prochaine, César aura quitté Lutèce.

— Eh bien ! répliqua Thual, — Lutèce le suivra !

En même temps, il rassembla des branches sèches et dressa un bûcher sur l’autel même du dieu Cernunnos, qui venait de servir au mariage d’Ar-Bel avec sa fille Ghella.

Il battit le briquet et alluma son bûcher, qui lança bientôt vers le ciel des flammes vives et pétillantes.

C’était la réponse des Parises aux signaux des peuples voisins.




À l’orient du mont Cétard, sous l’abri de deux grands chênes aux branches desquelles pendait le gui mystique, — dans la mousse moelleuse, — derrière un rideau d’ormes séculaires où la clématite en fleurs soutenait les pampres chargés de raisins, il y avait un réduit heureux, un petit nid de feuilles sèches et d’herbe molle où Ar-Bel et Ghella dormaient côte à côte depuis de longs mois.

Ghella vierge de corps et d’âme, Ar-Bel chaste comme s’il eût été le frère de Ghella.

Chaque matin, ils souriaient au soleil levant qui voyait leurs candides amours.

Ils n’avaient point de cabane, Ar-Bel et Ghella. — La nuit de leurs noces, ils la passèrent dans leur nid, sous le ciel bleu jonché d’étoiles.