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Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/137

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LES NUITS DE PARIS.

— Ma Ghella, dit Ar-Bel qui sauta sur ses pieds en voyant le soleil se mirer dans la Seine ; — nous avons trop dormi… Nos guerriers sont partis, et je suis un guerrier !

Ghella passa ses petits doigts blancs sur ses yeux allanguis.

— Déjà ! murmura-t-elle.

Puis, se levant à son tour :

— Tu as raison Ar-Bel, poursuivit-elle résolument ; — les guerriers sont partis… je suis la femme d’un guerrier… Partons !

Il n’y avait pas de ménage à faire.

Ar-Bel trouva une hache appuyée contre le chêne.

— Mon frère Alarix m’attend ! pensa-t-il.

— Donne-moi une minute, dit Ghella ; — je vais à la cabane de mon père et je reviens.

Elle mit un baiser sur le front d’Ar-Bel et partit, légère comme un oiseau.

Ar-Bel se prit à aiguiser sa hache. Il était brave comme un petit lion, cet Ar-Bel.

En aiguisant sa hache, il pensait à ce Corvinus qui avait tué Arrhéda, sa sœur, et qui, la veille, avait touché insolemment la joue de Ghella, sa femme.

Comme il songeait ainsi, il vit Corvinus lui-même se glisser dans la forêt et prendre justement le sentier suivi par Ghella.

Il s’élança hors de sa retraite.

Mais quatre esclaves noirs, qui semblaient être là pour le guetter, lui barrèrent le passage.

C’étaient des Nubiens qui avaient la langue coupée.

Ils s’emparèrent d’Ar-Bel malgré sa résistance, le mirent bâillonné dans une litière et descendirent la montagne en courant.