Elle était belle, Mysœïs, comme pouvait l’être la maîtresse de César.
— Enfant, disait-elle au jeune Gaulois Ar-Bel, qui était debout devant elle, interdit et farouche ; — je l’ai vue, celle que tu aimes… elle est belle… mais moi, ne suis-je pas plus belle encore !
Comme l’époux de Ghella ne répondait point, elle prit une pose plus abandonnée et rejeta en arrière sa tête charmante.
— Regarde-moi !… murmura-t-elle.
Ar-Bel leva les yeux malgré lui ; ses joues se colorèrent.
Ne songez pas à Joseph et à la femme de Putiphar.
Encore une fois, c’étaient ici des mœurs toutes spéciales. La belle Grecque eût dédaigné toute violence. Elle ne comptait, pour vaincre, que sur son incomparable beauté.
— Tu m’as regardée, reprit-elle, et j’ai vu le sang monter à ta joue… Tu m’aimeras, Ar-Bel.
Ar-Bel secoua la tête.
— J’aime Ghella, dit-il.
— Et moi, j’aime César !… j’aime Œlian… cela m’empêche-t-il de t’aimer ?… Enfant, je sens mon cœur si grand, qu’il peut contenir à la fois trois grands amours.
— Le mien est trop petit pour un seul amour, répondit Ar-Bel, mais c’est que cet amour est immense !
La Grecque sourit tristement.
— C’est vrai… c’est vrai ! pensa-t-elle tout haut ; — le feu qui s’allume semble ne devoir jamais s’éteindre… Tu es marié d’hier, enfant.
— J’aime depuis que je me sens vivre.
La Grecque sourit encore.
Et parmi cette lascive tendresse de son regard qui caressait l’enfant, il y avait comme un reflet d’amitié dévouée.
— Qui sait ? murmura-t-elle ; — c’est peut-être aussi une joie que de ne changer jamais !…