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Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/153

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LES NUITS DE PARIS.

un rhéteur qui s’enivre aux fumées de la popularité… Je dirai à César d’être en garde contre Junius Brutus.

Ils gardèrent un instant le silence.

Une tristesse grave était sur leurs fronts inclinés et pensifs.

Un léger bruit se fit du côté de la porte d’entrée.

Vultur et Vorax, qui étaient couchés à leurs pieds, grondèrent sourdement.

Ce fut tout.

— Mysœïs, dit Œlian, — si César mourait, tu te souviens de notre serment ?

— Je m’en souviens, répondit Mysœïs.

Elle ajouta, belle et souriante :

— Ceux qui ont appartenu à César ne doivent point survivre à César.

Une seconde fois, un bruit se fit entendre à la porte d’entrée.

Vultur et Vorax se dressèrent sur leurs pattes raidies.

Mais Œlian et Mysœïs ne prirent pas garde.

Les idées de mort ne pouvaient tenir dans cette atmosphère embaumée, parmi les douces fatigues du bain tiède.

Le sourire revint aux beaux fronts des deux jeunes gens. Ils parlèrent d’amour, de Rome et d’avenir…


Le bruit qu’ils avaient entendu et qui avait mis sur pied les chiens vigilants provenait de la présence du centarque Corvinus, qui venait, avec ses quatre triaires, pour égorger dans le bain Œlian et Mysœïs.

Il avait eu cette idée-là, le Corvinus, et même il s’était promis un certain raffinement de plaisir à la pensée que le glaive qu’ils avaient donné en commun à César servirait à les assassiner tous deux.