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Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/93

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INTRODUCTION.

Paris, demain — ou après, — redeviendra une forêt.

Et soyez certain que ce sera une forêt plus périlleuse que la forêt de Bondy !

Dites-leur, à vos enfants, que s’ils voient jamais des chênes et des hêtres s’élancer à la place de nos maisons ruinées, dites-leur qu’il est certains carrefours qui, surtout, devront être évités.

Les terroirs ont leurs mœurs fatales.

Au lieu où s’éleva le palais de la Bourse, il y aura un fourré de mauvaise renommée. — Dites à vos enfants de serrer leurs goussets quand ils passeront par là.

S’ils peuvent prendre un autre chemin, dites-leur de faire plutôt trois lieues de trop dans les taillis pour éviter ce passage mal fréquenté.

Il y a toujours eu là, il y aura toujours une méchante fée aux doigts crochus qui coupe éternellement les escarcelles.

Dites à vos enfants de craindre les bosquets odorants qui s’élèveront depuis le mont Bréda jusqu’au val de la Boule-Rouge. Les dryades de ces bois attireront encore le voyageur imprudent, et il n’y aura plus, hélas ! d’apothicaires alentour.

Dites-leur de fuir les broussailles de la Sorbonne, repaire de loups galeux et de couleuvres savantes.

Dites-leur d’aborder avec précaution les hautes futaies de l’ancienne représentation nationale, car les dindons sont méchants, une fois rendus à l’état sauvage.

Dites-leur de ne s’engager qu’avec une extrême prudence dans les parages jadis littéraires, car, s’il doit s’y rencontrer beaucoup de perroquets inoffensifs, on y trouvera aussi des scorpions et même des vipères.

Dites-leur de prendre avec eux leurs valets, armés de fusils doubles et de sabres de cavalerie, quand ils affronteront l’ancien passage de l’Opéra à l’heure terrible de la petite bourse.

Mais qu’ils ne s’effrayent pas de ces lions qui se promènent là tout