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LES TRIBUNAUX SECRETS.

entrant plus profondément dans chaque poitrine ; chacun agita son bouclier et sa framée, et ils ordonnèrent enfin à leurs chefs de les conduire immédiatement contre les Franks.

Et pas un chef ne protesta.

Pas une voix ne s’éleva pour défendre la mémoire du héros décédé.

Pas une voix, — excepté celle de Witikind, l’homme que Charlemagne avait si cruellement poursuivi durant les longues années de son règne.

Witikind s’était levé, et tous firent de nouveau silence.

— Charlemagne était un grand guerrier, dit il.

— Un bourreau ! s’écrie-t-on de toutes parts.

— Charlemagne était un chef illustre, reprit le vieux Witikind, avec la même assurance calme, et le même regard hautain ; tant qu’il a vécu, nous n’avons cessé de le combattre ; il est mort, que nos respects l’accompagnent dans sa tombe, et témoignent de la grandeur de notre résistance.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le jour vint et trouva déserte la plaine de Cologne.

L’ombre de Charlemagne n’éveilla plus les nuits allemandes.

Et il fallut dix siècles pour arriver à la fantaisie de l’empereur Napoléon, qui souleva le marbre noir d’Aix-la Chapelle.

Witikind, lui, dort sous la bruyère libre, et n’a pas même une tombe.


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