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LES TRIBUNAUX SECRETS.

Il se tourna vers le comte Manfred et lui indiqua d’un geste impérieux la route par laquelle il voulait qu’il se retirât.

— Maintenant, dit-il, vous êtes libres, messeigneurs ; fuyez en toute hâte, sans retourner en arrière, sans chercher à distinguer l’issue par laquelle je m’échapperai. Allez ! dans une heure, j’aurai mis le Danube entre la comtesse Ethel et vous, et le ciel juste protégera sa fuite !

Puis il leva l’écluse, et l’onde longtemps retenue fit enfin irruption dans le souterrain, s’élançant en bondissant sur les pas des francs-juges qui fuyaient.

Meïster profita du premier moment de désordre qui s’introduisit dans tous les rangs pour sauter à bas du mont qu’il avait occupé jusqu’alors, et disparaître par un couloir caché à tous les regards, et qui conduisait à son habitation.

Pendant qu’il regagnait ainsi sa demeure, l’eau montait, montait toujours, et l’on entendait au loin les cris effrayés des francs-juges.

Johann Meïster trouva Ethel fidèle au rendez-vous : il prépara sa barque à la hâle, y fit monter la comtesse, et, quelques minutes après, ils fuyaient ensemble vers la rive opposée du Danube.

La nuit protégeait leur fuite, nul ne les inquiéta, et ils purent aborder sans obstacle. La chronique qui nous a donné les détails qui précèdent ne dit pas comment finit cette histoire. La comtesse fut-elle poursuivie par son époux ? Que devint Meïster ?

Ce sont là deux questions auxquelles l’absence de tout document nous empêche de répondre.

Mais nous aimons à penser que la comtesse Ethel attendit la mort de son vieux mari pour épouser quelque noble chevalier allemand ou hongrois.

Et qu’elle prit Johann Meïster pour batelier de confiance.

Si toutefois elle conserva le goût des promenades sur l’eau.

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