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LES CONTES DE NOS PÈRES.

particulièrement diaboliques et disparurent, clopin-clopant, sous les branches dépouillées du bois.

Presque au même instant, un bruit de pas se fit entendre derrière les arbres ; c’étaient deux personnes qui marchaient lentement et causaient de cette voix basse et murmurante qui fait bondir le cœur d’un jaloux aux écoutes. Bientôt le taillis s’agita ; les branches s’écartèrent ; le comte Addel et la fille de Lucifer parurent.

Rachel s’appuyait doucement au bras du chevalier. Elle était deux fois belle, car le bonheur avait mis à son front sa radieuse auréole. Le comte Addel aussi semblait bien heureux.

— Ainsi, disait-il avec tendresse, c’était pour me garder les biens de mon père que vous me donnâtes autrefois cet anneau sur lequel étaient gravés ces mots : Cinq ans !

— C’était pour cela, répondit Rachel ; et aussi pour vous revoir, monseigneur.

Addel lui baisa la main.

— Merci, dit-il, merci du fond de l’âme, Rachel. Pour payer tant d’amour, je voudrais être un roi et vous donner mon trône… Hélas ! je ne suis qu’un pauvre chevalier…

— Moi je suis fille de juif, monseigneur, interrompit Rachel avec humilité ; — vous descendez jusqu’à moi, vous pardonnez à mon père… ne suis-je pas trop payée ?

— Descendre jusqu’à toi ! s’écria le comte, — ne parle pas ainsi, Rachel, ma bien-aimée. Ton cœur est noble et tu es la plus belle. Mes pairs envieront mon bonheur.

— Dieu le veuille ! soupira la jeune fille.

— Je te montrerai à tous avec orgueil, poursuivit Addel ; je dirai : Voilà ma dame ! et par le saint tombeau du Sauveur,