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LE PETIT GARS.

de la Vilaine, non loin de la Roche-Bernard, avec sa femme et son enfant, âgé d’un an ; mais bientôt il reçut du Morbihan des nouvelles qui l’engagèrent à reprendre les armes.

Il partit un soir, sans suite, accompagné seulement d’un adolescent, nommé Janet Legoff, qui était né à Cournon, sur les terres de Lanno-Carhoët, et qu’Armand tenait en singulière affection. Comme nulle retraite n’était sûre, en ces temps de malheur, il fut convenu que Mme de Thélouars rejoindrait son mari, quelques jours après, aux environs de Ploërmel. Janet Legoff n’avait jamais quitté jusqu’alors sa jeune maîtresse, qu’il aimait avec une sorte de respectueuse adoration. Il se montra fort triste de ce départ, bien que son chagrin fût combattu par ce charme irrésistible qui attire le premier âge vers les dangereuses aventures. Il avait, à cette époque, quatorze ou quinze ans tout au plus. C’était un enfant au visage doux, timide et rêveur ; sa taille était petite, mais merveilleusement prise, et l’on devinait la force sous la grâce nonchalante de chacun de ses mouvements. Janet, comme on voit, ne ressemblait guère au commun des rudes enfants des campagnes bretonnes. Il était pourtant fils de paysans et des plus pauvres. C’était par charité que la mère d’Henriette lui avait jadis donné un asile.

Ce fut un vendredi du mois d’avril 1795, que Mme de Thélouars se mit en route pour rejoindre son mari. Voyager en carrosse eût été s’exposer à des dangers presque certains. Henriette confia le petit Alain, son fils, à une servante montée sur un mulet bâté ; elle-même s’assit sur un fort cheval, et le pèlerinage commença.

Aucun accident n’en troubla le début. La petite caravane traversa la Vilaine sans encombre au-dessus de Redon, et