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FORCE ET FAIBLESSE.

architecture montrait ses nombreuses fenêtres brillamment illuminées. C’était l’hôtel de monsieur le lieutenant de roi.

MM. de Saint-Maugon jetèrent la bride de leurs chevaux aux laquais rangés devant le seuil, et montèrent le grand escalier que remplissait déjà l’harmonie du bal. L’huissier les annonça ; ils firent leur entrée.

Il y avait foule dans les salons et foule dans les galeries. Autour des lambris sculptés ou couverts de riches tentures, régnait un double cordon de femmes. C’étaient partout des fleurs, des perles, du satin, des dentelles. Les parures scintillaient ; les regards se croisaient, éblouissants ou timides, hardis ou suppliants : les pourpoints de velours tranchaient auprès des corsages fourrés de cygne ; les gardes des épées scintillaient comme les agrafes des ceintures, et les éclatants panaches des gentilshommes ondulaient doucement à la brise parfumée des éventails. C’était délicieux à voir. L’œil charmé ne savait point choisir entre tous ces enchantements, et quand les violons entamaient l’austère ouverture du menuet en vogue, composé d’ordinaire par Lulli, on oubliait la terre pour se croire au fabuleux pays des rêves.

Bertrand et Roger firent le tour des salles, interrogeant du regard ce parterre de femmes, cherchant et s’étonnant de ne point trouver.

— Salut à M. le baron de Keruau, disaient en passant quelques jeunes officiers de la couronne.

Bertrand saluait d’un geste distrait et continuait sa recherche.

Quant à Roger, il n’avait point de titres, et ses camarades ne lui jetaient qu’un familier : bonsoir, Saint-Maugon.

Nos deux frères avaient parcouru toutes les salles et toutes les galeries.