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LES CONTES DE NOS PÈRES.

En revanche, au plus fort de la bataille, un cavalier portant l’uniforme du régiment de la couronne, rehaussé par les deux petites épaulettes dragonne qui indiquaient le rang de capitaine, déboucha vers deux heures après midi du côté du faubourg Saint-Hellier. Il prit seul, et armé uniquement de son épée, les assaillants à revers, perça comme un boulet de canon leurs rangs tumultueusement formés, et se vint mettre à la tête d’un gros de fusiliers qui se défendaient de leur mieux, à la tête du pont de Viarmes. C’était Bertrand Mauguer de Saint-Maugon, baron de Keruau.

Son arrivée changea le cours de la bataille. Bien qu’il fût renommé déjà pour sa brillante valeur, jamais on ne l’avait vu charger comme il le fit en cette occasion. Les pauvres paysans tombaient sous son épée comme le sainfoin et le trèfle sous le fer du faucheur.

Ils résistèrent longtemps, puis ils se débandèrent. Ce mouvement détermina la retraite générale des insurgés. Mais les gens du roi de France payèrent chèrement leur victoire. En fuyant, les paysans gardèrent leurs prisonniers, au nombre desquels était Gilbert de Gadagne d’Hostung, comte de Verdun, en personne.

Cependant, lorsque la fièvre du combat se fut calmée, un bruit courut parmi les officiers et soldats du régiment de la couronne. On disait que le président de Montméril, lequel était en fuite maintenant, avait acheté l’officier chargé du poste de la Tour-le-Bât, ce qui avait causé l’évasion des cent captifs.

Quel était cet officier ? Personne ne pouvait le dire. C’était Gilbert de Gadagne lui-même qui l’avait mis à ce poste, et le malheureux colonel n’était point là pour répondre.

Bertrand ne donnait point attention à ces bruits. Couvert