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FORCE ET FAIBLESSE.

— Et Roger ? demanda Trégaz. — s’il vous plaît, qu’est-il devenu ?

— Il était amoureux fou de Mlle de Montméril, qui est depuis hier Mme la baronne de Keruau. Mais la belle Reine ne l’aimait point. Quand le témoignage de M. de Gadagne eut mis la vérité en lumière, Roger, qui se cachait à Montméril, prit la fuite.

— C’était un pauvre cœur.

— Tout beau, messieurs, interrompit Châteautruhel ; il est mort comme il faut, en Breton et en gentilhomme… Il est mort devant la ville africaine d’Alger, en combattant pour le roi.

— Donc, que Dieu ait son âme ! dit le reste du groupe.

Un étranger était entré dans la salle. Son feutre rabattu cachait son visage. Il portait la double épaulette de capitaine. En entendant l’oraison funèbre de Roger il se prit à sourire.

Pendant cela, Bertrand de Saint-Maugon, assis auprès de Reine, sa femme, se recueillait en son bonheur, au milieu de toute cette joie bruyante ; mais son bonheur n’était point sans mélange.

— Vous semblez triste, Bertrand, dit Reine avec tendresse.

— Je suis heureux, répondit l’aîné de Saint-Maugon, bien heureux, car vous êtes à moi, et je vous aime… Mais notre père mourant l’avait mis à ma garde. Il était mon frère et mon fils… Pauvre Roger !

— Pauvre Roger ! répéta Reine.

— Mon frère ! mon noble frère ! dit une voix émue à leurs côtés.