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LES CONTES DE NOS PÈRES.

pour votre fille… Quant à toi, René, je t’ai sauvé aussi, mais tu es un bon garçon et je te tiens quitte.

— Quel prix mettez-vous au service que vous m’avez rendu ? demanda le docteur.

— Ne m’interrompez donc pas ! En outre de cela, docteur, je viens de vous empêcher de vous entre-tuer, votre fils et vous, ce qui eût été désagréable, même pour un Bleu… excusez-moi… Pour ces deux services je ne réclame qu’une chose.

— Parlez.

La voix de Jean Brand s’affaiblissait graduellement ; il reprit pourtant avec effort :

— Monsieur Saulnier, la guerre est finie ; il n’y a plus de Chouans à Saint-Yon, je suis le dernier, et dans deux minutes j’aurai rejoint mes frères… Embrassez votre fils, monsieur Saulnier… cela fera plaisir à mademoiselle Sainte… et je mourrai content.

Le docteur hésita un instant.

— Dépêchez-vous, murmura le bedeau ; si vous voulez que je voie ça, dépêchez-vous !

— Il ne sera pas dit que j’aie refusé la dernière demande d’un homme qui m’a sauvé la vie ! s’écria le docteur Saulnier.

Et il tendit les bras à son fils qui s’y jeta en pleurant.

— À la bonne heure ! dit Jean Brand d’une voix si éteinte, qu’on pouvait à peine l’entendre : mam’selle Sainte sera bien contente… et j’ai fièrement payé ma dette… principal et intérêts !