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LE PETIT GARS.

— Si je le trouve, disait le citoyen Bertin, je le cacherai sous mon aisselle.

— Si l’Être suprême permet que je mette la main dessus, pensait le citoyen Thomas, je l’avalerai comme une prune.

Et ils songeaient à la joie de leurs épouses, et aux carmagnoles de satin dont ces honnêtes citoyennes pourraient désormais se revêtir aux solennités de la guillotine. — Nos deux miniatures de représentants se mirent donc à fureter chacun de son côté, songeant à la République un peu moins qu’au roi de Prusse, et promettant un cierge à la déesse de la Raison, au cas où leur chasse serait heureuse. En furetant, ils eurent ensemble la même idée, ce qui, à titre d’exception, confirme la fameuse règle : les beaux-esprits se rencontrent.

Le citoyen Bertin, qui se trouvait alors au rez-de-chaussée, se frappa le front ; — le citoyen Thomas, qui visitait les combles, exécuta le même geste, indice certain de l’enfantement d’une idée, et tous deux sortirent, l’un par la porte de la cour, l’autre par la porte du jardin. Arrivés au bas des perrons opposés, ils décrivirent deux courbes concentriques dont les arcs devaient nécessairement se rejoindre. Cette manœuvre les amena au pignon de l’aile orientale, vis-à-vis de l’endroit où les soldats travaillaient à l’intérieur, et juste sous la meurtrière qui ventilait la chambre secrète.

Voici quel était leur calcul. — Tous deux avaient remarqué lors de la reconnaissance préalable que font toujours au dehors les habiles dans la gaie science des visites domiciliaires, reconnaissance qui donne en gros le plan des localités, tous deux, disons-nous, avaient remarqué une petite porte basse, vermoulue, condamnée d’apparence, et sur laquelle se croisaient les pousses chevelues du lierre. Cette