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LES CONTES DE NOS PÈRES.

stérile végétation des landes. À gauche, c’est un pêle-mêle de petites collines, groupées tumultueusement et séparées par de microscopiques vallées, où le pommier trapu élève à peine sa tête ronde et verte au-dessus de l’or ondoyant des moissons. Çà et là, une loge couverte en chaume s’accroupit à portée d’un monceau de décombres qui fut jadis un vaillant château. Ce qui reste du manoir domine encore la chaumière : on dirait que le loyal paysan de Bretagne n’a point osé mettre sa girouette vassale au-dessus du rez-de-chaussée dont les dalles poudreuses gardent peut-être l’empreinte du pied de fer des chevaliers. Quelquefois, entre deux collines, on aperçoit la Vilaine qui montre timidement un lambeau de son mince ruban de satin. Un poëte de l’empire se pâmerait d’aise à voir cette modeste naïade qui a quelque chose d’académique dans ses contours ; il songerait au proverbial Méandre, et ferait à coup sûr plusieurs milliers d’alexandrins, dont Dieu nous préserve ! À l’horizon, les collines grandissent et se font montagnes ; les lointains se teignent d’azur, tandis que le premier plan éblouit l’œil de ses jaunes reflets. Au sommet de quelque côte abrupte, dont le tapis de bruyère se déchire çà et là pour laisser passer la dent noire et pointue du rocher, se dresse un magnifique château, entouré de futaies gigantesques, et mirant la campanille de son beffroi dans les eaux claires du lac qui dort au fond de la vallée.

Tout cela est d’un charmant aspect ; — mais, sur l’heure de midi, par une ardente journée d’août, tout cela est bien triste. La Vilaine est à sec, le lac croupit, les moissons coupées découvrent la poussière grisâtre du sillon ; la lande torréfiée exhale de chaudes et fades vapeurs ; l’horizon est en feu ; la route brûle, et le ciel pèse sur le crâne des voya-