du ravin. En arrière, la route court, droite et roide, encaissée par de gigantesques talus qui surplombent, et menacent incessamment de crouler.
De sorte que, dans les idées bretonnes, le nom et le lieu s’accordent à merveille.
Joson s’était arrêté. Il regardait les ruines en clignant de l’œil et semblait attendre une seconde question. Tout homme est un peu cicerone ; Joson était certes à l’abri de tout soupçon à l’endroit de l’archéologie, mais il savait un conte et voulait gagner son écu de six livres.
Ma curiosité vint en aide à son envie.
— Qu’est-cela ? demandai-je encore, en montrant le sommet de la côte.
— Faut dire la vérité ! prononça Joson avec une mystérieuse emphase ; — c’est le château de Lucifer.
Joson s’appuya sur son mince bâton de cormier à massue, et se prit à siffler un de ces airs indigènes à périlleuses cadences, qui peuvent durer trois jours sans jamais retomber sur la tonique. Moi, j’avais dressé l’oreille, flairant une bonne vieille histoire.
L’histoire vint, vieille sinon bonne. — Je vais vous la dire telle à peu près que mon Guichenais me la conta sur le revers d’un talus, à l’ombre d’un taillis de châtaigniers, en ponctuant chaque paragraphe d’un salut fort courtois et d’un solennel faut pas mentir.