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LES CONTES DE NOS PÈRES.

teur ! murmura Lucifer qui tremblait de tous ses membres ; — les temps sont durs, et les hommes n’ont point l’honnêteté que prescrit le Talmud… je veux parler de la divine décade des commandements de Dieu… De faux frères m’ont emprunté mon or, et je suis aussi dépourvu, à cette heure, que le plus pauvre de tous les mendiants.

— Silence ! dit impérieusement Lohéac. Avant de prodiguer ainsi le mensonge, écoute nos propositions. Il me faut, pour ma part, dix mille écus… En garantie, je te donnerai ma seigneurie de Lohéac.

— Avec le château ? demanda Lucifer, dont l’œil avide rayonna subitement.

— Avec le château.

— Et les cinq paroisses ?… Et la futaie de Tintaine ?

— Et la forêt de Tintaine, et les cinq paroisses.

— Je tâcherai, monseigneur.

— Moi, dit Malgagnes, pour dix mille écus qu’il me faut, je t’engage, chien de juif, mes prairies de Guignen et de la Féraudais, avec mon manoir de Malgagnes.

— Cela ne vaut pas Lohéac ; mais, pour vous obliger, monseigneur, je tâcherai.

C’était au tour de Mauron.

— Moi, dit-il, je mettrai entre tes mains maudites ma tour et mon domaine.

— C’est peu, répondit Lucifer.

— Je n’ai que cela.

— Je tâcherai… Cela fait trente mille écus.

Il ne restait plus que Gérard Lesnemellec. Lorsqu’il ouvrit la bouche, Lucifer composa subitement son visage. Gérard demanda comme les autres dix mille écus, sous la garantie de son domaine.