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je ne risquais rien, moi, en m’approchant d’un pareil homme, tandis qu’à ce même jeu Remy d’Arx risquait sa vie.

La mort lui est venue par une autre voie ; c’est moi qui ai été son malheur.

Mon frère ! mon pauvre noble frère !

Valentine s’arrêta un instant, suffoquée par un spasme. Ses yeux restaient secs, mais maman Léo pleurait pour deux.

— Quand on m’a amenée ici, reprit la jeune fille après un silence, c’était le surlendemain de la catastrophe. J’étais bien malade et ma raison chancelait réellement, car j’avais toujours devant les yeux le pâle visage de Remy, apparaissant entre Maurice et moi. Je m’évanouis en descendant de voiture.

Ce fut Coyatier qui me porta jusqu’ici dans ses bras.

J’ai su depuis que cette maison lui sert de refuge.

Il resta seul à me garder au salon, pendant qu’on préparait mon lit ; j’avais repris mes sens, mais il croyait que je dormais, et à travers mes paupières demi-closes je voyais son rude visage penché jusque sur moi.


XIV

Coyatier, dit le Marchef


Valentine continua :

— Je n’ai jamais vu de visage plus effrayant que celui de cet homme ; son regard parle de sang, on dirait qu’il y a du sang sur sa joue, du sang sur ses lèvres ! et pourtant je croyais deviner en lui je ne sais quelle douloureuse compassion.