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Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/199

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Le dernier roman du Père-à-tous, ou plutôt sa dernière affaire, pour parler son langage, a dû être l’objet de tous ses soins. Il y avait en lui deux mobiles également passionnés : l’envie d’assurer à sa Fanchette un brillant, un paisible avenir, et le besoin de nous jouer un tour suprême.

C’était arrangé depuis des mois, depuis des années peut-être.

Donc, il y a trois jours, le colonel fit asseoir la comtesse Corona auprès de son lit et lui traça, comme on raconte une anecdote, le tableau de son existence future.

Il existe à la Nouvelle-Orléans une famille, française d’origine, qui occupe une position énorme ; le fils aîné de cette maison faisait, l’an dernier, son tour d’Europe. Le colonel Bozzo et sa petite-fille Francesca Corona passaient à Rome le mois le plus rude de l’hiver. Le colonel a des précautions à garder en Italie, non seulement par suite de son passé, mais encore à cause de certains hauts faits, plus modernes, accomplis par le comte Corona, son gendre. Sous prétexte d’incognito, il était à Rome M. le marquis de Saint-Pierre, et Fanchette était Mlle de Saint-Pierre.

L’Américain la vit et en devint éperdument amoureux. Fanchette a le cœur sensible, elle allait voguer à pleines voiles sur le fleuve de Tendre, lorsque le Maître, qui avait son dessein, l’arrêta net et l’enleva pour la ramener en France.

Avant de partir néanmoins, il avait eu, lui, le colonel, une conférence avec le jeune Américain, qui s’était déclaré et avait demandé la main de Mlle de Saint-Pierre.