— Je vais me coucher, dit enfin Lecoq, qui s’arrêta tout à coup. Voulez-vous un conseil ? faites les morts et ne bougez plus !
— Savais-tu qu’il devait venir, l’Amitié ? demanda M. de Saint-Louis d’un ton plaintif.
— Es-tu avec lui ? demanda en même temps Samuel.
— Je ne savais rien, répondit Lecoq, mais quand il s’agit de papa, je m’attends à tout.
— Penses-tu qu’il nous ait devinés ? demanda encore le prince.
Lecoq eut son gros rire.
— Il n’a rien deviné ce soir, répliqua-t-il, parce qu’il savait tout d’avance, et c’est ce qui vous sauve, mes bien bons. Il n’a pas plus de raison pour vous supprimer aujourd’hui qu’il n’en avait hier.
— Quand le diable y serait, s’écria Samuel en frappant du pied, c’est un cadavre ambulant, il n’a plus que le souffle !
— N’a-t-il plus que le souffle ? murmura Lecoq. La première fois que je le vis, c’était en Corse, dans les souterrains du monastère de la Merci. Écoutez cette histoire-là, elle est drôle. Il y avait révolte, car il y a toujours eu révolte chez nous ; on avait garrotté le Père, qui était déjà vieux comme Hérode, et les Maîtres jouaient aux cartes pour savoir qui le poignarderait. Le sort tomba au médecin, un habile homme, comme toi, Samuel, et le médecin dit :
— À quoi bon frapper un agonisant ? Laissez-le garrotté sur sa paille et je vous garantis que demain matin, il n’y aura plus personne.
On le crut, et, par le fait, sa prédiction