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Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/33

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Les autres étaient partagés entre l’émotion inattendue et la curiosité excitée violemment.

Mme Samayoux avait croisé ses deux mains sur ses genoux ; elle parlait désormais pour elle-même et peut-être n’avait-elle plus conscience des phrases entrecoupées qui tombaient de ses lèvres.

— Ça semble cocasse, disait-elle de sa pauvre voix brisée, mais c’est comme ça, que voulez-vous ? Je ne lisais plus le journal depuis que le journal ne pouvait plus me parler de lui. Ah ! du temps qu’il était dans l’Algérie, le journal apportait tous les jours quelque chose de bon ; il aurait fait un héros, ce cher enfant-là, sans l’amour qui le tenait. Alors, comme le journal était muet, car toutes les autres choses et rien c’est tout de même pour moi, j’avais défendu de l’acheter… C’est de l’eau que je voudrais : une goutte d’eau.

Mais c’était l’eau qui manquait dans la baraque. Une des jeunes filles alla en chercher un verre à la fontaine de la rue St-Denis.

Mme Samayoux poursuivait :

— Vous me direz qu’on n’a pas besoin des journaux pour apprendre ; on cause avec celui-ci ou avec celle-là, n’est-ce pas ? eh bien ! moi, je ne causais plus. Ça me faisait mal de causer. Rien que de voir les gens gais, j’étais plus triste… et voilà comme ça s’est passé, tenez, je veux vous le dire : il était revenu, je lui avais cuit son souper en riant et en pleurant…

— Le fricandeau ! murmura Similor, dont les narines s’enflèrent.

Échalot ajouta :

— Le petit Saladin avait grand-soif ce