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Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/377

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gée, un mot aurait suffi pour anéantir la chance suprême à laquelle essayait de se rattacher l’obstination de son espoir.

À quoi bon parler, d’ailleurs ? Ne valait-il pas mieux que cette malheureuse femme gardât son ignorance ? Que pouvait-elle contre les assassins de son fils ?

La marquise poursuivit :

— Tu n’as pourtant pas le cœur mauvais, fillette, je le sais, j’en suis sûre ; c’est l’inquiétude qui te rend indifférente à tout. Eh bien ! voyons, il faut te rassurer : c’est lui, la prudence même, c’est le colonel qui a pris toutes les mesures. À moins qu’il ne surgisse un obstacle imprévu, et ce n’est pas possible, puisqu’il prévoit toujours tout, tu peux regarder le lieutenant Maurice comme étant libre déjà. Ah ! il me le répétait encore ce matin, quand j’ai été savoir de ses nouvelles, il me disait de sa pauvre voix, qu’on n’entend presque plus : « Bonne amie, je n’ai rien négligé ; nous avons jeté l’argent par les fenêtres comme s’il se fût agi de l’évasion d’un prince prisonnier d’État ; ce sera ma dernière affaire. »

— Et il souriait, ajouta-t-elle. As-tu jamais vu le sourire d’un juste en face de la mort ?

La respiration de Valentine s’oppressait dans sa poitrine. Elle répéta encore :

— D’un juste !

Puis elle murmura :

— Non, je n’ai jamais vu cela.

— Tu me fais peur, s’écria la marquise presque indignée, et je crois bien que tu vas me refuser… car j’ai quelque chose à te demander, ma fille. Quand le colonel va être mort et que vous serez partis, je serai