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Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/402

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— Ah ça ! dit-elle brusquement, en fronçant le sourcil pour refouler une larme qui venait à sa paupière, il n’y a donc plus que moi de brave, ici ! Vous avez l’air de deux condamnés qui montent à la Roquette. Saquédié ! si nous sommes dans une forêt de Bondy, il y a assez de passants ici autour pour mettre à la raison les brigands et les loups. Si c’était moi qui menais la danse, le cocher baragouineur et ce méchant sujet de Piquepuce, que j’ai reconnu sur le siège de derrière, auraient bien vite les quatre fers en l’air, et dans dix minutes nous aurions dépassé la barrière du Trône au galop !

Valentine répondit tout bas :

— Avec un mot, un seul mot, ceux que vous venez de désigner feraient de chaque passant un ennemi plus acharné à nous poursuivre que les loups et les brigands. Il y a ici un assassin qui s’évade.

En disant cela, elle porta les mains de Maurice à ses lèvres.

— C’est vrai ! murmura maman Léo, qui baissa la tête malgré elle. On n’a jamais vu rien de pareil ; tout est contre nous : les voleurs, la justice, le monde entier !

Elle entr’ouvrit son casaquin et y prit une paire de pistolets, qu’elle présenta à Maurice.

— Lieutenant, dit-elle, ça te connaît ; il m’en reste, et je joue assez bien de cet instrument-là, moi aussi.

Maurice prit les armes qu’on lui tendait avec un mouvement de joie.

— Si nous passons la porte de cet enfer, continua la dompteuse, il faut du moins que nous puissions répondre à ceux qui nous parleront.