Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/52

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ture pour bien voir si tout allait comme il faut.

— C’est joli, l’éducation ! se disait-il ; le môme ne demande pas son reste, quoiqu’il ait le caractère irascible. Dès qu’il aura seulement quatre ou cinq ans de plus, je lui fabriquerai une machine comme ça, en rapport avec son âge, et on trouvera bien une autre petite bête analogue pour les appareiller ensemble. C’est égal, la couleur n’y est pas encore tout à fait, et faudrait coller un peu de cheveux par-ci, par-là pour imiter parfaitement l’œuvre du Créateur ; mais quand ça va être arrivé à son point, je dis que Mme Samayoux ne sera pas raisonnable si elle n’est pas contente.

Il dégrafa la ceinture et prit sous la paille qui lui servait d’armoire un tesson de plat chargé de couleur comme une palette.

— Je n’ai pas étudié l’état, dit-il en refaisant sa toilette avant de se mettre en besogne, mais M. Gondrequin le radote assez : tout le secret de l’art est de contempler la nature, et j’ai un fameux aiguillon à mon émulation dans la pensée de faire plaisir à la patronne.

Ici sa voix s’adoucit jusqu’au murmure, et il glissa un regard attendri vers Mme Samayoux, qui ronflait bruyamment.

— Voilà les mystères du cœur humain ! pensa-t-il tout haut. Quand Saladin a bien pleuré, il s’endort ; et c’est de même chez les dames. Il n’y a pas d’âge ni de sexe qui tienne, faut que les enfants d’Adam se font du chagrin à soi-même quand les circonstances ne s’y prêtent pas. Y aurait-il un poisson dans l’eau plus heureux que