Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/58

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— Je suis malade, murmura-t-elle, car ça me paraît comme du fiel !

Puis elle demanda :

— Connais-tu bien ton Similor ?

— Amédée ! s’écria Échalot. Lui et moi c’est des frères !

— Tu parais compter sur son adresse ?

— Il n’y a pas plus fin que lui.

— Serait-il dévoué à l’occasion ?

Échalot ouvrit la bouche pour répondre affirmativement, mais la parole ne vint pas et il baissa la tête.

— C’est qu’il me faudrait des hommes vraiment dévoués ! murmura la dompteuse.

— Le fond n’est pas mauvais, répliqua Échalot ; mais il se laisse entraîner par son libertinage, toujours voltigeant de la brune à la blonde, dont il sait se faufiler partout, à cause de son élégance et de son toupet. Mais moi, c’est différent, j’ai mis un frein à mes passions pour m’occuper de Saladin et lui préparer sa carrière. Mon abnégation pour vous a pris naissance dans ce que vous avez été utile à Saladin, et alors ça a grandi petit à petit jusqu’à la chose que je vous sacrifierais avec plaisir mon existence et mon honneur lui-même, et se faire hacher pour vous comme chair à pâté !

Mme Samayoux lui tendit sa rude main, qu’il porta pieusement à ses lèvres.

— Merci, dit-elle, vous ne payez pas de mine, c’est vrai, mais j’ai bonne idée de vous. Je me défie des farauds ambitieux et langues dorées, car c’est encore dans les rangs du petit peuple qu’on trouve le plus de cœurs sincères ; seulement il faut choisir, étant exposés à y rencontrer encore pas mal de racailles.