Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Celui-là c’est une autre paire de manches… Mais asseyez-vous, bonne dame, vous ne tenez pas sur vos jambes, ma parole d’honneur ! et maintenant que j’ai les pieds chauds, nous allons nous mettre à notre aise en buvant un verre de vin, si vous voulez.

Il se leva et prit le bras de la veuve, qui chancelait en effet.

— Vous avez affaire à un bon enfant, vous savez, continua-t-il en la ramenant vers la table, et nous ferons une paire d’amis tous deux, j’en suis certain. Ça m’a amusé en commençant de poser en casseur vis-à-vis d’une luronne de votre numéro, mais vous n’êtes qu’une femme, après tout, puisque vous pleurez, et je reprends vis-à-vis de vous la galanterie de mon sexe.

Il aida la dompteuse à s’asseoir, en ajoutant :

— Vous ne me demandez plus qui je suis en faisant les gros yeux, alors je vous le dis : ni chiffonnier ni prince, à peu près le milieu entre les deux : M. Constant, officier de santé et plus avisé que bien des fainéants qui ont passé leur thèse, premier aide préparateur dans la maison du docteur Samuel dont j’ai la confiance et qui me fait faire tout ce qui ne concerne pas mon état, spécialement la chasse à la dompteuse, car voilà trois fois vingt-quatre heures que je cours sur votre piste comme un Osage dans les forêts vierges de l’Amérique du Nord… pas bien riche avec cela, mais amateur de ce qui brille et portant des lunettes de chrysocale avant de les troquer contre des lunettes d’or. Est-ce de la franchise, ça ? Ambitieux pas mal et nourrissant l’espoir que l’aventure de la petite demoiselle