Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de race y régnaient encore. Je m’en aperçus, lorsque je m’efforçai d’obtenir un travail régulier.

M. Rodney French, riche citoyen, abolitionniste résolu, faisait calfater et cuivrer un baleinier ; j’entendais également les deux genres d’opération.

— Vas au chantier, travailles-y avec les autres ! — me dit-il. Mais les autres, à peine arrivé, m’informèrent qu’eux, blancs, quitteraient l’ouvrage, si je m’y mettais. C’était dur. Endurci moi-même par la servitude et l’oppression, le procédé me sembla presque légitime… normal en tout cas.

Calfateur, j’aurais aisément fait deux dollars par jour ; simple ouvrier, je n’en gagnais qu’un. Mais j’étais libre ! Cela suffisait à me tenir joyeux.

Durant bien des années encore, les salles de conférences, même à New-Bedford, restèrent fermées aux noirs. Elles ne s’ouvrirent que lorsque Sumner, Mann, Parker, Emerson, refusèrent d’y parler, tant que durerait l’interdiction.

En attendant, prêt à tout job, je sciais le bois, j’empilais le charbon, je creusais les celliers, je nettoyais les cours, je chargeais, je déchargeais les navires, frottant, lavant, raclant, balayant ; et soupirant après un labeur, dont la continuité me permit de pourvoir régulièrement à nos besoins.

M. Joseph Ricketson, ce quaker dont la parole décidée : — Entre là ! — m’avait lancé dans la diligence de New-Bedford, possédait un vaste magasin d’huile.

La besogne : charrier lourds tonneaux après lourds tonneaux, exigeait bon souffle et bons bras. Fortement