Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/212

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incertaine. L’évasion organisée fera cela. Donnez-moi, (je les aurai) vingt-cinq individus choisis, bien armés, échelonnés cinq par cinq sur un espace de vingt-cinq milles, ici ! — son doigt montrait toujours la chaîne : — Je lance l’affaire. De temps à autre, mes gens descendent inaperçus aux plaines, attirent les esclaves, leur parlent de liberté, les entraînent dans la montagne. Ma phalange grossit. De vingt-cinq, elle arrive à cent hommes, rompus à toutes les difficultés, dédaigneux de tous les périls. L’armée se forme. Une armée d’élite : je ne garde que les vaillants ; les faibles, je les envoie au Nord, par le railroad souterrain…

— Comment la nourrirez-vous, cette armée ? interrompis-je.

— Aux dépens de l’ennemi. L’esclavage, c’est l’état de guerre. L’esclave a droit de prise, sur tout ce que requièrent les besoins de la conquête.

— Mais, si vous réussissez à troubler la sécurité des maîtres, ils se débarrasseront de la valeur compromise. Ils vendront leurs esclaves au Sud.

— Tant mieux ! Je les y suivrai. Chassé d’un comté, l’esclavage perd sa puissance dans les autres.

— Mais ils mettront leurs bouledogues à vos trousses.

— Je les recevrai de telle sorte, qu’ils n’y reviendront pas deux fois.

— Mais l’ennemi peut couper vos communications, même la retraite.

— Nous traverserons l’ennemi. Si je suis tué… quel meilleur emploi ai-je à faire de ma vie, que de la donner pour les esclaves ?