Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/216

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à l’éternelle honte de ceux qui les inventèrent, et de ceux qui les prirent.

La principale, Fugitive Slave Bill, fabriquée par J. M. Masson, de Virginie ; soutenue par Daniel Webster, de Massachussetts ; impuissante — les faits le démontrèrent bientôt — à effectuer ces infâmes restitutions d’esclaves, qu’elle était chargée d’accomplir ; ne devait servir qu’à blesser la conscience des États libres, y abaisser le sens moral, associer le Nord au crime du Sud.

Lettres, discours et pamphlets — ceux des théologiens en tête — inondaient le Nord, rappelant à chaque citoyen libre son devoir de poursuivre, traquer, trouver, et ramener au maître, l’esclave fugitif.

Rien ne rendra l’effroi qui saisit la population de couleur. Indépendants, affranchis, évadés, tous tremblaient, car tous, à la moindre réclamation, justifiée ou pas ; sous le moindre prétexte, pour absurde fût-il ; pouvaient être garottés, enlevés, restitués. À la hâte, les malheureux vendaient tout, quittaient tout, fuyaient vers le Canada. Arrachés du sol qu’ils avaient conquis par leur travail, des abris qu’ils avaient payés de leurs économies, qu’ils comptaient léguera leurs enfants ; on les voyait arriver par centaines à Rochester.

L’évêque Payne — église épiscopale méthodiste africaine — en passage alors, me demanda ce que je pensais de cet exode : Devions-nous fuir ou rester ?

— Restons ! m’écriai-je. Ne désertons pas le poste ! Quitter ! tandis que Garnet et Ward sont encore là !

— Ward ! interrompit l’évêque : Ward est parti.

— Pour ne plus revenir ?