Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/219

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elle — Andower, (Massachussets). — Je me rendis à son appel. Elle était bien la femme de son livre ; nulle disparate, entre sa personne et son volume.

— Monsieur Douglass, me dit-elle, je vais en Angleterre. Selon toute apparence, une somme considérable sera collectée et placée dans mes mains, en l’honneur d’Uncle Tom. Je désire consacrer cette offrande au peuple de couleur, à l’amélioration de son sort, à ses progrès. Perpétuer l’action du livre, voilà ce que je veux. On m’a suggéré divers plans, aucun ne me satisfait !… Que penseriez-vous d’une école industrielle ?

Je saisis l’idée ; je la développai, et dans cet entretien, et dans la lettre plus étendue, que mistress Stowe me pria de lui adresser avant son départ.

Voici ma pensée, telle que je la présentai verbalement d’abord, par écrit ensuite, à mistress Beecher Stowe :

— Nous avons des écoles élémentaires, nous en avons de supérieures. Nos fils, à nous hommes de couleur indépendants, peuvent devenir ministres, légistes, docteurs, éditeurs, orateurs, savants. Mais une fois sculptée, la statue manque de piédestal. Perchés sur le sommet de l’échelle, il nous manque d’en avoir franchi l’un après l’autre les échelons. La civilisation ne s’improvise pas, elle s’apprend heure par heure ; elle se conquiert dans la rude bataille de la vie, à travers ses succès et ses revers. Ce n’est pas tout. Nos fils, lorsqu’ils ont acquis une vocation libérale, n’en trouvent pas l’emploi. Vos blancs des États libres les dédaignent et les repoussent. Nous ne sommes point assez nombreux, nous, pour leur fournir l’application de leurs facultés.