Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Avancez quelques pas ! — fit le bourreau.

— Conduisez-moi ! — répondit John Brown : — Je ne puis voir.

Manœuvres, marches et contre-marches de la force armée, comme s’il se fut agi de livrer bataille, s’effectuèrent autour de la potence. Cela prit un quart d’heure à peu près.

— Êtes-vous fatigué ? — demanda l’exécuteur.

— Non. Mais ne me laissez pas dans l’attente plus longtemps qu’il ne faut.

La trappe s’abaissa.

Brown était un homme à vie tenace. Trente-cinq minutes après, le pouls battait encore.

— Je ne veux pas de cérémonies religieuses, accomplies par des ministres qui consentent à l’esclavage de leurs frères ! — s’était écrié Brown, parlant de ses funérailles et de sa mort : — J’aime mieux être accompagné par douze négrillons et une bonne vieille grand’mère esclave, qui recommanderont mon âme à Dieu, que d’avoir après moi toutes les pompes du clergé !

Les volontés de John Brown furent respectées. Son corps, remis à la malheureuse veuve, repose — Elba, Essex county (New-York) — au milieu des neigeuses et taciturnes grandeurs des Adirondacks[1].


Le coup d’Harper Ferry, fut comme la dernière paille ajoutée au faix du chameau. Un cri de haine éclata par tout le Sud ; il trouva de l’écho dans le Nord. Quiconque

  1. Une large souscription subvint aux besoins de la famille.