Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/275

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— Gentlemen ! fis-je de mon plus ferme accent : Autant me demander d’appuyer sur ma tempe, un canon de revolver, et de me faire sauter la cervelle ! Répudier mon mandat ! C’est vous qui me le proposez ! Mais ne savez-vous point, vous aussi, que le pays tout entier connaît ma nomination ? Que, le délégué noir absent, chacun vous adresserait cette question : Où est Douglass, pourquoi ne siége-t-il pas ? Ne savez-vous point qu’une accusation de couardise, plus fâcheuse peut-être qu’une brèche au préjugé, vous desservirait, vous et notre cause, aux yeux du pays ? Ne craignez-vous point que la Convention elle-même, ne fût marquée du stigmate d’hypocrisie ? Qu’on la dénonçât, comme traître à cette égalité qu’elle fait profession d’établir ? — S’il s’agit de diplomatie, mon exclusion, croyez-le, messieurs, accumulerait plus d’embarras sur votre chemin, qu’elle n’en écarterait d’obstacles. Toutefois, ce n’est pas de diplomatie qu’il s’agit, c’est de conscience. Or, ma conscience m’ordonne de remplir mon mandat.

L’ambassade s’en alla comme elle était venue. On ne m’adressa plus une parole sur le sujet. Mais je compris, dès cet instant, que si je n’étais pas exclu de la Convention, j’en resterais ignoré. — Il en allait du nègre, comme de cet enfant laid et difforme, qu’aux jours de réception et de fête, on tient à l’écart.

Une fois arrivé.

— Ne vous joignez pas au cortège ! — me cria-t-on de partout : — Votre présence déchaînerait la canaillocratie ; il y aurait émeute, violence, Dieu sait ! Phila-