Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/283

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Et puis, n’avais-je point mes auditoires du Nord ? N’était-ce point là que se créait l’opinion ? Devant ce tribunal, les hommes de ma race n’avaient-ils pas besoin d’un avocat, autant et plus peut-être, que d’un représentant au Sénat ou au Congrès ?

Je refusai toute candidature.

Mais, il était dit que je ne me reposerais pas de longtemps, à l’ombre de ma vigne et de mes figuiers !

Notre peuple, son avenir, requérait un journal : Un journal quotidien, publié à Washington ; un journal consacré au développement intellectuel des noirs, à la défense de leurs intérêts politiques et matériels. — Mes seize années de pratique : éditeur, directeur, rédacteur du Frederick Douglass Paper ; les succès de la feuille, le bien qu’elle avait opéré ; tout, s’écriaient mes amis, s’unissait pour faire de moi l’homme, le directeur né, du New National Era !

Cette fois je cédai, et ne tardai guère à m’en repentir.

Une société anonyme devait soutenir l’entreprise. Douze mois à peine écoulés, la société anonyme — avait-elle jamais existé ? — s’évapora dans les airs. Seul à porter le faix des responsabilités morales et pécuniaires, je passai le journal, non sans y laisser une poignée de ma laine — dix mille dollars — à mes fils Frédérik et Lewis. Ils étaient jeunes, capables, imprimeurs tous deux ; la tâche leur revenait de droit. Disons-le néanmoins, le New National Era, s’il fit brèche à mon capital, accomplit sa mission, en fournissant aux hommes