Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/316

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— Point de change ! fit l’hôte embarrassé.

— Non ? Bien. Gardez-la ! Elle filera avant qu’il soit jour.

Hôte et camarades avaient compris.

Et moi je conserve parmi les meilleurs, ce noble souvenir de chevaleresque urbanité.


En 1842, l’Anti Slavery Society de Massachussets, m’envoyait à Pittsfield.

Jour, heure, tout était fixé d’avance ; il ne s’agissait plus que d’arriver à point : chose malaisée, en ce temps de carrioles et diligences.

Parvenu tant bien que mal à Pittsfield :

— Chez qui descendez-vous ? — me demande le conducteur. Je lui montre l’adresse de M. Hilles, abolitionniste fervent, abonné du Liberator, sur lequel me dirigeait l’Anti Slavery Society.

— Ah ! mais, c’est à deux mille d’ici ! — fait le conducteur en se grattant la tête. Après quoi, voyageurs et colis déposés, il siffle, claque du fouet : Hue ! et me mène droit au cottage de M. Hilles.

Je n’étais pas, il en faut convenir, un visiteur désirable. Couvert de poussière — j’avais voyagé sur l’impériale — valise en main ; noir, couleur mal portée à cette époque et dans ce district ; je vis d’emblée que quelque brûlante que fût l’atmosphère, glacée serait ma réception. Mais il n’y avait pas à choisir.

M. Hilles paraît sur le seuil de sa porte, me considère, et m’introduit sans proférer un mot. Sa femme prend l’affaire par un côté moins tragique. Réservée,