Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/173

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bre, par un bras invisible, ne lui fasse sauter la cervelle. Qu’on prenne garde d’aider en rien le tyran dans ses recherches ; qu’on ne tienne pas la lumière qui pourrait servir à lui faire découvrir la trace des pas d’un frère fugitif ! Mais j’en ai assez dit à ce sujet-là. Je vais passer maintenant au récit des faits relatifs à ma fuite, dont je suis seul responsable et dont personne que moi ne peut avoir à subir les conséquences.

Au commencement de l’année 1838, la plus vive agitation s’empara de mon esprit, et ne me laissa plus aucun repos. Je ne pouvais comprendre pourquoi j’étais forcé de verser à la fin de chaque semaine, dans la bourse de mon maître, le fruit de mon travail. Lorsque je lui portais ce que j’avais gagné, il comptait l’argent, et en me regardant avec la férocité d’un voleur, il me demandait : « Est-ce là tout ? » Il n’était pas content qu’il n’eût reçu jusqu’au dernier centime. Cependant, quand j’étais parvenu à lui gagner six dollars, il me donnait quelquefois six centimes pour m’encourager. Cela produisait sur moi l’effet tout contraire. Je regardais cet acte comme une espèce d’aveu que j’avais le droit de recevoir le tout. Je me disais qu’en me donnant une partie de mon salaire, il laissait voir involontairement sa conviction que la totalité m’ap-