Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/183

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sur lui, et s’en emparer de la même manière que les bêtes féroces de la forêt se mettent en embuscade pour saisir leur proie. En prenant la fuite, j’adoptai cette devise : « Ne te fie à personne. » Je voyais un ennemi dans chaque homme blanc, et je trouvais un motif de soupçon presque dans chaque homme de couleur. C’était une situation excessivement pénible. Pour s’en rendre compte, il faut ou la connaître par expérience, ou s’imaginer dans des circonstances semblables. Que celui qui voudra en comprendre toutes les souffrances morales se figure qu’il est un esclave, parvenu à se sauver dans une terre étrangère ; — qu’il se représente cette terre comme une sorte de plaine où les propriétaires d’esclaves vont à la chasse des fugitifs ; — qu’il se dise que les habitants sont des voleurs d’hommes, dont l’infâme métier est sanctionné par la loi ; — qu’il se considère comme étant exposé à chaque instant au risque terrible d’être saisi par quelques-uns de ses semblables, et remis entre les mains de ceux qui le poursuivaient ! Oui, qu’il se mette ainsi à ma place, — qu’il s’imagine sans demeure, sans amis, sans argent, sans crédit, ayant besoin d’un abri, et ne trouvant personne pour lui en donner un ; — mourant de faim, et