Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/70

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et malheureux. » Ces paroles-là pénétrèrent profondément dans mon cœur. Elles y éveillèrent des sentiments qui dormaient en moi, et elles firent naître une suite de pensées entièrement nouvelles. C’était une révélation inattendue et spéciale, qui expliquait des choses obscures et mystérieuses, contre lesquelles mon jeune esprit avait lutté, mais avait lutté en vain. Je comprenais alors ce qui avait été pour moi une difficulté fort embarrassante. — Je veux dire le pouvoir que possédait l’homme blanc de rendre esclave l’homme noir. Cette découverte était à mes yeux une conquête importante, à laquelle j’attachais le plus haut prix. Dès ce moment je comprenais le sentier qui mène de l’esclavage à la liberté. C’était justement ce qui me manquait, et cette précieuse explication m’arriva au moment le plus inattendu. Si, d’un côté, j’étais triste, à la pensée de perdre l’aide de ma bonne maîtresse ; de l’autre, je me réjouissais en songeant à la révélation inestimable que, par l’effet du hasard, je devais à mon maître. Quoique convaincu de la difficulté d’apprendre sans maître, ce fut avec le plus vif espoir, et avec une résolution bien arrêtée, que je me décidai à apprendre à lire, quelque peine que cela dût me coûter. Le ton décisif dont il avait parlé, et avait tâché de convaincre sa femme des fâcheuses