petite Jacqueline elle-même, qui, à treize ans, après avoir joué son rôle avec grand succès, s’en ira seule vers le même tout-puissant ministre et lui demandera de faire cesser l’injuste disgrâce de son père ? Cette fierté, cette droiture un peu hautaine, communes à tous les siens, Pascal en avait reçu les germes, dès le berceau, dans la famille.
La valeur intellectuelle n’y était pas inférieure à la valeur morale. Des connaissances très étendues, surtout d’ordre scientifique, donnaient au père, en relation déjà avec les plus grands savants du temps, toute compétence pour diriger les études de ses enfants. Les deux filles étaient remarquablement douées. On connaît le jugement de Fléchier sur Gilberte, qu’il excepte seule de ses moqueries prodiguées aux dames de Clermont, et qu’il juge la « plus raisonnable » de la ville[1]. Quant à Jacqueline, la gentillesse et la vivacité de son esprit la faisaient rechercher partout ; gracieuse, séduisante, elle annonçait déjà l’aimable poétesse que se disputeront bientôt les salons parisiens.
En dehors du cercle intime du foyer, l’enfant prodige fréquenta-t-il des camarades de son âge ? Le seul dont on ait prononcé le nom avec quelque vraisemblance est le futur jurisconsulte Jean Domat, son cadet de deux ans, précoce lui aussi. L’auteur des Lois civiles dans leur ordre naturel eût été le digne compagnon d’enfance de l’auteur des Pensées. De ce moment datent peut-être les étroits rapports qui existèrent plus tard entre eux. Nous leur devons le charmant portrait à la sanguine de Pascal adolescent, le seul
- ↑ Mémoires sur les Grands Jours d’Auvergne, édit. Gonod, p. 44.
duchesse d’Aiguillon) fort tristement qu’elle estoit à Paris seule sans pere ny mere, avec son frere et sa sœur, bien affligée de l’absence de son pere ; et qu’ils n’avoient pas assez de joye ni de gaieté pour donner du plaisir à M. le cardinal, ny les uns, ny les autres ». La phrase a moins d’allure ; la pensée est la même. D’ailleurs la leçon du P. Guerrier, donnée par Faugère, (Lettres, opuscules et mémoires de Madame Perier, de Jacqueline Pascal et de Marguerite Perier, Paris, 1845, p. 441), est presque identique à celle que j’ai citée.