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aux maladies de l’âme qu’à celles du corps. « Ceux-ci, dit encore Gilberte s’attachèrent beaucoup à Blaise Pascal, mon oncle, pour le faire entrer dans des lectures de piété solide et pour les lui faire goûter. Ils y réussirent très bien ; car comme il avait un esprit très solide et très bon, et qu’il n’avait jamais accoutumé, quoique très jeune, à toutes les folies de la jeunesse, il connut avec ces messieurs le bien ; il le sentit, il l’aima, il l’embrassa. Et quand il l’eurent gagné à Dieu, ils eurent toute la famille ; car lorsque mon grand-père commença à être en état de s’appliquer à quelque chose après un si grand mal, son zèle commençant à goûter Dieu le lui fit goûter aussi ».

Méditez une telle histoire. Le père et le fils ont une telle communion de pensées que tous deux s’émeuvent dans le même temps, sous les mêmes influences, mais cette fois, c’est le fils qui passe devant et qui, profitant de la force que lui a donnée son père, l’instruit et à son tour le tire plus haut. Et comme se repliant sur lui-même il s’applique à raisonner ces étranges rencontres, il songe soudain que l’accident de son père, entraînant la visite des deux pieux médecins, a été le signe et tout ensemble l’occasion des volontés de Dieu sur lui… Tel que nous le connaissons, comment ne sentirait-il pas se former en lui, dès cette heure, ce sentiment profond de la prédestination, qui donne un caractère si dramatique à son œuvre et à sa vie ? Toutes les idées que plus tard il exprimera dans le Mystère de Jésus (« J’ai versé pour toi, telle goutte de sang ») il commence à les expérimenter. Pour lui, Dieu a inventé des faits, a multiplié les avertissements et les circonstances, a créé des événements. « Les événements, ces leçons que nous recevons de Dieu même », dira-t-il plus tard. Dieu lui a fait la faveur de ne pas l’aveugler comme tant d’autres. Dieu l’a éclairé, a incliné son cœur, avec une douce violence, vers la vérité. C’est donc que Dieu l’aime et l’a choisi. Ainsi, à Rouen, dans sa vingt-quatrième année, les idées de Providence et de prédestination se réalisent en Pascal. C’est de la vie religieuse vécue avant d’être pensée. Et tout cela en étroit accord avec son père, par le moyen de son père.