Page:FR631136102-Discours pour le tricentenaire de la naissance de Blaise Pascal - A 34544.pdf/134

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se présentera jamais plus ; et que, mauvaise en soi, pour qui la confronte aux défenses du Décalogue toute action peut voir sa malice se nuancer, s’atténuer, s’effacer même peut-être, selon les dispositions de l’agent. C’est là, sans doute la raison profonde qui guide les casuistes dans leurs spéculations, parfois trop hardies en apparence, ou trop subtiles, sur le permis et le défendu. Ainsi, pour qui les juge dans l’abstrait, deux secondes suffisent à condamner les Provinciales : Non possumus. Publier un libelle est nécessairement, foncièrement immoral. Mais si l.’auteur n’a pas su où portaient ses coups, s’il n’a ni prévu, ni voulu les conséquences désastreuses de son initiative, l’anathème expire sur nos lèvres avant d’avoir été prononcé, et nous nous retirons en silence assez lentement néanmoins pour entendre tomber sur le pécheur plus malheureux que coupable les paroles du pardon : « Ils ne t’ont pas condamné, je ne te condamnerai pas davantage ». Louis de Montalte est coupable, Pascal innocent. C’est un impulsif, brusquement appelé à venger certains principes de morale qu’on lui dit menacés par d’imprudents sophistes, appelé aussi à défendre ses bienfaiteurs, ses amis, tout un couvent dont il connaît la sainteté. Quelques hommes du métier le catéchisent en hâte, lui passionnément docile aux maîtres successifs qu il se donne, et qu’il jugera quelque jour, sans doute, nous savons avec quelle violence maladive, mais après leur avoir d’abord obéi. C’est un géomètre rigide, qui n’a pas encore appris à tempérer par l’esprit de finesse, à soumettre aux souples intuitions du cœur les certitudes courtes, cassantes, trompeuses de la raison rai sonnante. Avec cela, sûr de ses intentions droites, sûr de 1 unique amour qui remplit sa vie, et qui lui rappelle sans cesse la feuille de parchemin cousue dans la doublure de son pourpoint. Ajoutez les infaillibles pressentiments du génie, la confuse mais pressante révélation du chef-d’œuvre qui veut naître. Nescio quid majus… Que de menaces, mais aussi que d excuses ! Et bientôt l’Église navrée verra se réaliser une fois de plus la prophétie de son fondateur : Un jour viendra où ceux qui vous calomnieront penseront