Aller au contenu

Page:Fabié - Œuvres, Poésies 1892-1904, 1905.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Où ce livre de vers que je comptais t’offrir
Allait avec nos bois s’animer et fleurir,
Pleurer et sangloter et, dans toutes ses pages.
Évoquer pour nous deux tant de chères images !…
O ma douce martyre ! Après quinze ans de croix,
De tourments sans répit, quelquefois sans mesure,
Quand l’air tiédit encor sur nos plateaux si froids,
Que le seigle verdit, que l’horizon s’azure,
Que tout renaît, que tout va d’un élan joyeux
Lancer l'Alléluia pascal jusques aux cieux,
Tu livres au tombeau, — sillon d’où monte l’âme
Vers Dieu qui nous la donne un temps, puis la réclame,
Ton pauvre corps usé par l’humaine douleur
Et qui ne peut plus rien que nourrir quelque fleur…

Et cependant, là-bas, dans son humble vallée,
La maison paternelle un peu plus désolée
Sent encor s’épaissir son silence et son deuil,
La cendre à son foyer et la mousse à son seuil.
Et moi qui t’y berçai jadis, quand dans tes langes
Tu gazouillais — mignonne — et souriais aux anges ;
Moi qui, malgré la vie amère et ses exils,
Et tant d’hivers nous éloignant des clairs avrils
Où notre toit chantait comme un nid de mésanges,
Nourrissais l’espérance invincible qu’un soir
Près de l’âtre désert nous irions nous asseoir,
Et, dans le souvenir de ceux qui nous aimèrent,
Rallumant le foyer que leurs mains allumèrent,
Petits vieux grelottants, attristés, — mais unis, —