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Page:Fabié - Œuvres, Poésies 1905-1918, 1921.djvu/28

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Des lèvres qui jadis souvent les déclamèrent,
Et du cerveau de ceux qui, m’aimant, les aimèrent,
Puis mourront, comme loin de leurs natals sillons
Nos genêts meurent dans la serre ou les salons.
Je sais qu’un peu plus tard, prochainement peut-être,
Un soir, dans les journaux, deux lignes apprendront
À leurs lecteurs, dont peu, bien peu se souviendront,
Qu’un poète estimé (sic) vient de disparaître ;
Et qu’au printemps suivant, — si l’herbe sur mon front,
Comme je le souhaite et comme je l’espère,
Croît et verdit, dans le rustique cimetière
Où l’on m’aura couché, sans pompe, entre les miens,
À l’ombre de la croix de bois des vrais chrétiens, —
L’abeille qui viendra vider la cassolette
De la fleur de la ronce ou de la violette
Sera sans doute seule à deviner où dort
Le triste cœur d’où tous mes vers ont pris l’essor…

Oui, je sais tout cela, Paris, et m’y résigne.
Tu m’as donné l’humble renom dont j’étais digne,
En somme. N’ayant point les dons que tu chéris,
Je vivais à l’écart, timide, un peu sauvage,
Dédaigneux de tes goûts comme de ton langage,
Amer, injuste même envers tes favoris ;